François Hollande, Manuel Valls, Emmanuel Macron après Pierre Gattaz (bien sûr) : tous nos dirigeants veulent soutenir l’investissement pour soutenir la croissance. Mais « le compte n’y est pas… encore assez », pour deux raisons. D’abord, il faut aujourd’hui bien plus de profit qu’avant pour avoir plus de croissance. Ensuite, l’investissement qui fait la différence est plus immatériel que matériel.
Beaucoup plus de profit qu’avant : c’est la leçon que donne, partout, cette sortie de crise. « Plus de profit pour se désendetter » + « plus de profit pour investir » = bien plus de profit au total. Autrement rien ne repart. Sans beaucoup plus de profit en effet, il n’y a ni plus d’investissement ni de désendettement, donc pas plus de croissance – une croissance qui permettra, à son tour, bien plus de profit.
Beaucoup plus d’investissement immatériel : c’est la leçon que donne, partout, cette économie en mutation. L’investissement immatériel que calcule l’Insee (logiciels, études techniques, R&D, formation, organisation, publicité…) représente environ 10 % du PIB français en 2008, soit huit fois plus en valeur qu’en 1980 ! Et il n’y a aucune raison que ceci s’arrête, au contraire. On voit partout se développer les entreprises de traitement de données et les activités de big data entrer dans les entreprises, pour les transformer en profondeur. Mais voilà, cet investissement immatériel est par construction plus risqué que l’investissement matériel. On ne sait jamais comment il va marcher, et s’il ne « marche pas », il n’y a pas de marché d’occasion. C’est en général une perte sèche, d’où la nécessité du profit, pour prendre ce risque quasi irrécupérable.
Regardons-nous : l’économie française commence à aller un peu mieux dans une zone euro qui va elle-même mieux. Il faut donc redoubler d’énergie. La France veut rejoindre le peloton, derrière l’Allemagne qui a remarquablement passé l’épreuve de la crise, et derrière l’Espagne qui est en profond ajustement, après de fortes baisses de salaires. La part allemande de l’excédent brut dans la valeur ajoutée dépasse la nôtre de 7 points de pourcentage, 36 % contre 29 %, et nous remontons à peine la pente. Pour aller plus vite, il faut plus de marge que le modeste gain de ce début d’année.
Le soutien industriel est-il la bonne solution économique (outre des objectifs, peut-être, en partie électoraux) ? Tout le monde sait que l’amortissement accéléré est un coup de fouet, en fait une aide de trésorerie, pour se décider à investir. En l’espèce, ce serait au premier semestre 2015 et toute l’année 2016 qu’un appui serait donné à l‘investissement essentiellement mécanique. On sait que ceci impliquera un arrêt des investissements jusqu’au semestre 2015 où commence l’amortissement accéléré, puis un sursaut pendant cette période, puis un risque de baisse début 2017 si l’économie n’est pas assez repartie. Il y a donc un premier risque : celui de l’effet d’aubaine strict. Il consiste à subventionner ce qui aurait été fait de toute façon, avec en sus des chamboulements dans le calendrier d’investissement. Il y a un deuxième risque : importer ces biens d’équipement, compte tenu du laps de temps réduit de la phase de soutien.
Et passer (au moins en partie) à côté de la solution ? Le troisième risque est en effet de ne pas soutenir assez l’investissement immatériel, celui qui fait la nouvelle compétitivité dans cette sortie de crise. L’investissement immatériel creuse la différence dans la concurrence mondiale et le secteur numérique est celui qui l’anime le plus nettement. Le numérique, c’est plus de 5 % du PIB français, un secteur qui transforme profondément plus de 10 % du PIB (finance, assurance, culture, spectacles), qui remodèle indirectement la distribution, l’industrie, l’administration (60 % du PIB) puis, plus lentement, les autres activités et services.
Le temps presse, c’est pourquoi il faut débattre plus pour accélérer vraiment.
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